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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/304

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LE LIVRE

qu’elles furent eſcriptes. Car je ne cuide mie que vous me féiſſîez onques ne faciés jamais autant de bien come vous m’éuſſiez fait de mal. Et par Dieu encore, amaſſe-je mieus que vous vous en éuſſiez ſouffert[1]. Car je les commençay à lire plus de .x. fois, & ſi ne les pouvoie parlire, tant avoie le cuer courrecié & les yeus plains de larmes. Si les ay arſes & jetées au feu, afin que je ne les voie jamais : car elles me courreſſeroient toutes les fois que je les verroie. Si vous prie, mon tres-dous cuer, que vous vueilliez penſer de loyauté autant en moy come je fais en vous ; car, par ma foy, du petit & povre ſens que Dieus m’a donné, j’en ay fait à mon povoir ce que j’en ay fait pour le meilleur. J’ay éu .i. rondel noté que vous m’avez envoié ; mais je l’avoie autrefois éu & le ſcay bien.[2] Si vous prie que vous me vueilliez envoier des autres, & ſe vous avez nuls des virelaiz que vous féiſtes avant que vous m’éuſſiez veue, qui ſoient notez, ſi m’en vueilliez envoier, car je les ay en grant deſir de ſavoir, & par eſpecial L’ueil qui eſt le droit archier. J’ay trouvé en la laiette que vous m’avez envoié unes lettres cloſes qui aloient à vous. Si les ouvry pour ce que je ne ſavoie pourquoy vous les aviez envoies & trouvay que c’eſtoit une balade que on vous envoioit. Si la vous r’envoie pour ce que je penſe que vous ne la véiſtes onques, car elle eſt encores toute ſcellée. Mon tres-dous cuer, ſe il va vers vous des gens de par deçà, ſi leur faites bonne chiere, afin que quant vous venrez là ou je ſuis, qu’il vous cognoiſſent mieus. Je vous prie que vous me vueilliez eſcrire le plus ſouvent que vous pourrez ; & tant come je ſeray là ou je ſuis, ſi envoiez chiez le curé de Saint Pierre[3] à Bernart de Flourent ſon frere, tout ce que vous m’envoierez. Car il

  1. Que vous vous en fuſſiez abſtenu.
  2. Il y a grande apparence que le rondeau dont elle parle avoit été fait pour une autre, & que Machaut le lui avoit envoyé, comme s’il eût été fait pour elle. Ce qu’elle ſemble finement lui laiſſer entendre.
  3. Apparemment une paroiſſe de la ville où elle ſéjournoit.