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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/330

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[vers 6791]
LE LIVRE

Dont cils a tort qui de dire me blaſme :
Je voy aſſez puis que je voy ma dame.

Si ne me chaut du ſens de Salemon,
Ne que Phebus en termine ou reſponde,
Ne que Venus s’en meſte, ne Menon
Que Jupiter fiſt muer en aronde.
Car je dy quant je l’aour
Aim & deſir, ſers & crain & honnour,
Et que s’amour ſur toute riens m’enflame :
Je voy aſſez puis que je voy ma dame.

XXXVII. — Mon tres-dous cuer, ma douce ſuer & ma tres-douce amour, j’ay receu vos lettres par mon vallet qui m’a dit de voſtre bon eſtat, duquel j’ay plus grant joye que de choſe en ce monde. Et du mien, s’il vous plaiſt à ſavoir, j’eſtoie en bonne ſanté de corps, la mercy Noſtre Seigneur qui ce vous ottroit, quant ce fu eſcript. Je ne ſuis pas alés à Saint Quentin, ne vers Monſeigneur le Duc, pour aucuns ennemis qui ſont en Beauveſis. Si le m’a-on deſconſillié ; pour laquelle choſe je ſuis demourés. Mon tres-dous cuer, ma douce ſuer & ma tres-douce amour, vous ne m’avez mie eſcript de mon livre ne de mes .ii. balades jugié,[1][App. LXXI.] que je vous ay envoïe, dont je fis l’empriſe pour vous, comment que je ordenaſſe que li autres féiſt premiers. Et n’eſt avis que vous m’avez eſcript plus brieſment que vous n’avez acouſtumé. Si ne ſay ſe vous avez loiſir ou ſe vous le faites pour ce que je vous eſcrive plus brieſment. Mais c’eſt une choſe que je feroie à malaiſe ; car quant je commence, je n’y puis faire fin. Mon dons cuer, ma chiere ſuer & ma tres-douce amour, je vous pri que vous gardez bien mon livre, & que vous le monſtrez à meins de gens que vous pourrez. Et

  1. C’eſt-à-dire, je crois : du Jugié, du concours jugé. Peronne avoit dû entendre parler de ce jugement, & Machaut s’étonne qu’elle ne lui en ait encore rien dit.