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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/331

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DU VOIR-DIT.

s’il y a aucune choſe qui vous deſplaiſe, ou qui vous ſemble qui ne ſoit mie bien, ſi y faites un ſignet & je l’oſteray & amenderay à mon povoir. Mon dons cuer & ma tres-douce amour, je croy que li uns des grans biens & la millour fortune qu’Amours & Fortune donnent aux amoureus eſt d’amer près de luy ; & li plus grans meſchiés eſt amer long, & je m’en ſcay bien à quoy tenir & je croy que auſſi faictes-vous. Car ſe ce ne fuſt, je ne voſiſſe plus ſouhaidier en ce monde fors vivre pour vous veoir à mon gré & vous ſervir. Si penſe tant comment on y porroit mettre remede que c’eſt une des plus grans penſées que j’aye. Mais je n’y voy tour s’il ne vient de vous. Et, mon tres-dous cuer, vous ſavez comment Piramus & Tysbé, que on avoit enfermé en divers lieus pour ce que il ne ſe véiſſent, quirent voie par quoy ils ſe péuſſent veoir ; comment Leandon paſſoit un bras de mer à no pour aler veoir ſa dame, que autrement n’y pooit aler ; & comment la Chaſtellaine de Vergi quiſt voie pour aler veoir ſon amy, & comment Lancelot paſſa le pont de l’espée. Et tout ce faiſoient pour l’amour des dames. Et, mon tres-dous cuer, comment que je ne ſoie mie ſi bon come il furent, il n’eſt choſe en ce monde que mes corps péuſt ſouffrir que je n’entrepréiſſe à faire à voſtre commandement, & par quoy je vous péuſſe veoir. Car voſtre parfaire biauté & voſtre fine douceur qui attrait moy & mon cuer auſſi come l’aymant attrait le fer, trairoient moy & mon cuer à eus ſi doucement, que riens ne me porroit grever, que je féiſſe à voſtre dous commandement. Et vous eſtes ſi ſage & ſi ſavez bien tant, que Aſſez rueve qui ſe va complaignant ; car je n’y ſaroie mettre conſeil ſe il ne vient de vous. Mon tres-dous cuer, je vous envoie les .ii. balades que vous avez véues autrefois qui furent faites pour vous, par eſcript. Si vous ſuppli humblement que vous les vueilliez ſavoir : car je y ay fait les chans à iiii, & les ay pluſeurs fois oïs, & me plaiſent moult bien. À Dieu, mon dous cuer, ma chiere ſuer & ma tres-douce amour, qui vous doint