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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/342

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[vers 7015]
LE LIVRE

« Voire ſelon ſon juene age,
« Car ans n’avoit pas plus de .xx. :
« Or vous diray-je qu’il avint.
« Maintes dames le convoiterent,
« Et ſon amour li demanderent ;
« Nimphes de bois & de rivieres
« Lui en firent maintes prieres ;
« Més onques n’en volt nulle amer,
« Ne dames n’amies clamer,
« Fors une ſeule qu’il amoit
« Qui ſon dous amy le clamoit.
« Circé, dame d’enchanterie,
« Le pria de ſa druerie,
« Mais onques ne la volt oïr,
« Ne ſes paroles conjoïr ;
« Dont la déeſſe ſe courſa,
« Si que Piquus mué pour ce a
« En un oiſel de lait plumage
« Qu’on treuve ſouvent en boſcage.
« Mais la franche & noble roÿne
« Que Piquus amoit d’amour fine,
« Et elle l’amoit & cremoit
« Et ſon droit ſeigneur le clamoit,
« Ce fu la belle Canéus
« Dont li chans fu ſi congnéus
« Que ceus qui bien la congnoiſſoient
« Déeſſe de chant l’appelloient.
« (Caneus, c’eſt chant en grégois,
« Ce dient nobles & bourgois).
« Caneus ſi tres-bien chantoit
« Que les montaingnes enchantoit,
« Et les roches faiſoit mouvoir
« Par ſon tres-dous chanter, pour voir.