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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/398

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LE LIVRE

rans de ſavoir de voſtre bon eſtat. Si, vous ſupply, tant humblement comme je puis, que vous le me vueilliez faire ſavoir le plus ſouvent que vous pourrez ; car Dieu ſcet que c’eſt une des plus grans joies que je puiſſe avoir que de oïr de vos bonnes nouvelles. Et ſe du mien il vous plaiſt ſavoir, j’eſtoie en bonne ſanté de corps & en tres-bon point, quant ces lettres furent eſcriptes. Ma tres-chiere & ſeule dame, ſe je vous eſcri ce qu’on m’a dit, je vous pri qu’il ne vous deſplaiſe. Vueillez ſavoir que uns riches homs, qui eſt tres-bien mes ſires & mes amis, m’a dit pour certain que vous monſtrez à chaſcun ce que je vous envoie, dont il ſemble à pluſeurs que ce ſoit une moquerie. Si en faites votre volenté : mais j’ay bien aucune fois eſté en tel lieu, comment que je vaille pou, que on ne faiſoit mie ainſi, & que cils qui ſavoit mieus celer ou celle, c’eſtoit li plus dignes de guerredon. Si, ne vous penſe plus à eſcrire choſe que vous ne puiſſiez monſtrer à chaſcun. Car il ſemble que ce ſoit pour vous couvrir, douce amie, & faites ſemblant d’un autre amer.[1] Et certes je ne fis riens en voſtre livre puis Paſques, & pour ceſte cauſe ; ne ne penſe à faire, puiſque matiere me faut. Mais on ne doit pas tout croire ce qu’on oit. Je vous envoie ce que j’ay fait depuis de voſtre livre, ſi le povez monſtrer à qui il vous plaiſt ; car, par ma foy, je mettoie grant peine au faire. Et comment que vous teniez que ce ſoit moquerie, par m’ame, il n’a mie .iii. perſonnes au monde pour qui je l’entrepriſſe à faire ; comment que ce ſeroit legiere choſe à un autre. Mais, ſe Doulce plaiſance & Fine amour n’eſtoient, ce me ſeroit moult dure choſe au faire. Ma tres-chiere & ſeule dame, li Sains Eſperis vous ait en ſa ſainte garde, qui vous doint honneur & joie de quanque voſtre cuer aime. Eſtcript le xvie jour de juing.

Voſtre tres-loial amy.

  1. Pour donner le change à d’autres ſoupçons.