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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/56

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[vers 72]
LE LIVRE

Si, les me diſt bonnes & belles,
Douces, plaiſans & gracieuſes,
Delitables & amoureuſes.
Or vous diray, de point en point,
Si que je n’en mentiray point,
Tout ce que là me raconta.
Et ainſi dit, en ſon conte, a :[1]

« Amis compains & tres-douls ſires,
« Je ſeray à ce cop vos mires ;
« Car tels nouvelles vous diray
« Que de tous poins vous gariray.
« En ce Roiaume ha une dame,
« (Que Dieus gart en corps & en ame !)
« Gente, juene, jolie & joincte,
« Longue, droite, faitice & cointe,
« Sage de cuer & de maniere,
« Tres-humble & de tres-ſimple chiere,[2]
« Belle, bonne, & la mieulz chantans
« Qui fuſt née depuis .c. ans :
« Mais, elle danſe oultre meſure ;[3]
« Et s’eſt ſi douce créature
« Que toutes autres vainc & paſſe[4]
« En ſens, en douçour & en grace.

  1. Et en ſon conte a dit ainſi. La paſſion des poëtes du quatorzième ſiècle pour la richeſle des rimes leur faiſoit toujours préférer les mots qui dans la même forme différoient de ſens. Cette affectation, ſi déplaiſante aujourd’hui, ſe retrouve ici trop fréquemment.
  2. L’humilité paſſoit autrefois pour ajouter aux grâces des dames. Nous avons un peu changé cela.
  3. De plus, elle danſe mieux que perſonne. — Le ſens du radical magis eſt ici conſervé.
  4. L’emploi du temps préſent de ce mot vaincre eſt des plus déſagréables & des plus indiſpenſables.