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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/66

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[vers 345]
LE LIVRE

Et je le fis vers moy venir,
Et en ſa main li vi tenir
Une lettre cloſe & fermée,
De cire vert bien ſéelée :
Si qu’encontre li me dreſſay,
Et par devers li m’adreſſay ;
Car vraiement je ne ſavoie
En riens la cauſe de ſa voie.
Mais il avoit .v. ans paſſez
Que je le cognoiſſoie aſſez ;
Pour c’eſtoit de moy bien acointes.
Et ſi, eſtoit faitis & cointes,
Sages, courtois & bien aprins ;
Si, qu’adont par la main le prins :[1]
Si, nous ſéiſmes, ce me ſemble,
Pour plus aiſe parler enſemble.
Si parla bien & ſagement,
Et je m’i portay telement,
C’onques je ne reſpondi mot,
Tant que dit ſa volenté m’ot.
Si diſt : « Sire, je ſuis venus
« Vers vous, à qui ſuis moult tenus ;
« Car vraiement je déſir fort
« Voſtre bien & voſtre confort,
« Une dame a, en ce païs,[2]
« De qui vous n’eſtes pas haïs,
« Qui cent mille fois vous ſalue,
« Et vous mande qu’Amours l’argue
« Et point d’amoureuſe eſtincelle,

  1. Machaut laiſfe toujours deviner qu’il étoit d’un rang plus élevé que l’on ami. Il daigne le prendre par la main.
  2. En ce pays, c’eſt-à-dire vers Conflans ou Armentières.