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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/74

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[vers 469]
LE LIVRE

« Je n’en ay que le ſouvenir[1]
« Que Dous-penſer me fait venir ;
« Tout par deffaulte de ſanté,
« Non pas de bonne volenté.
« Car je n’aim riens tant ne deſir,
« En li ſont mis tuit mi deſir :
« C’eſt mon dieu ſouverain en terre,
« C’eſt ma pais, ma joie, ma guerre,
« C’eſt celle à qui du tout m’ottroy.
« Pléuſt ore à Dieu que nous troy
« Fuſſiens un jour ou deus enſemble !
« Tous li cuers me fremiſt & tremble
« Toutes les fois que me ſouvient
« Du parfait bien qui de li vient,
« Et de ce qu’ay oÿ retraire :
« Et ſi ne puis devers li traire.
« À li me recommenderés
« Cent mille fois, & li dirés
« Que je ſuis tous ſien, ſans partie,
« Et qu’elle eſt ma mort & ma vie ;
« Et que je l’aim, ſans decevoir,
« Sur toute rien, à dire voir,
« Et plus que moi, ſe Dieus me gart :
« Et que ſe de ſon dous regart
« Souvente fois l’eſpart éuſſe,
« De tous mes maus garis féuſſe.
« Je la verray quant je porray,
« Et non mie quant je vorray. »

Ainſi dalès li demouray,

  1. La penſée. C’eſt la ſeconde fois que le mot ſouvenir eſt pris dans cette acception. — De même plus bas : me ſouvient.