Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
[vers 526]
LE LIVRE

Qu’il ne fu voie ne ſentiers,
Homme, femme ne créature,
Qui de ma douce dame pure
Me déiſt aucune nouvelle ;
Helas dolens ! & pour ce qu’elle,
(Ne ſay pour quoy,) eſtoit alée
Demourer en autre contrée. [App. VIII.]
Si pris à merencolier,
À penſer & à colier
Comment maintenir me porroie ;
Car perſonne ne cognoiſſoie
En lieu où elle demouroit ;
Dont mes cuers tendrement plouroit.
Si en valoit pis mes affaires :
Et ſi, eſtoit mes ſecretaires
Allés en un lointain paÿs ;
Dont j’eſtoie trop esbahys.
Si m’eſtoit li temps moult divers,
Et ſi, eſtoit trop grans l’yvers,
Plains de gelée & pluvieus. [App. IX.]
Si devins merencolieus ;
Car vraiement j’eſtoie en doubte
De perdre m’eſperance toute,
Et s’eſtoie flebes aſſés
Et de maladie laſſés.
Ne nuls ce meſchief ne ſavoit ;
Qu’aveuc moy perſonne n’avoit
À qui je m’oſaiſſe complaindre.
Si prins à palir & à taindre,
Et mes cuers trop fort à fremir ;
Si que j’en perdi le dormir
Et le mangier ; car ne manjoie
Se petit non, ne ne dormoie.