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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/84

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[vers 708]
LE LIVRE

Dou cuer & dou ſens que j’avoie,
Com à ma dame & ma déeſſe,
Et ma ſouveraine maiſtreſſe.
Car onques-mais je ne vi certes
Faire miracle ſi apertes
Com elle fiſt à ma perſonne :
Et-ce ſi bon renon li donne,
Qu’on dit, quant elle finera,
Qu’en paradis ſainte ſera.
Car bien puis dire en vérité
Que .ii. fois m’a reſſuſcité.
Car j’eſtoie tous arrudis,
Et d’oÿr léeſce aſſourdis,
Et perdu mon entendement,
Et mon amoureus ſentement ;
En ma bouche n’avoit loenges
De dames privées, n’eſtranges,
Et auſſi pas ne les blaſmoie,
Car de toutes riens ne diſoie.
Je me tenoie rudement,
Et haoie l’esbatement,
Et fuioie les compagnies
Où on menoit les bonnes vies ;
En riens de moi ne me chaloit,
Qu’à mon gré, autant me valoit
À faire une tres-grant rudeſce,
Com de faire une gentilleſce.
Amours ne m’amoit, ne je li,
Ainçois reſſambloie à celi
Qu’on compere à une viés ſouche
Qui en un grant marés ſe couche,
Et qui dou marès ſi ſe cueuvre
Que nuls ne la puet mettre en œuvre ;