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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/98

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[vers 1090]
LE LIVRE

Ainçois touſdis perſeverra
En l’amour dont il eſt ſourpris,
Pour amer ſa dame & ſon pris.
Mais s’un homme d’outre la mer
Vuet deçà par amours amer
Une dame de ceſt paÿs,
Je n’en ſuis de riens esbahis ;
Qu’Amours ſi le doctrinera
Que ſans li véoir l’amera.
Si, qu’on ne ſe doit mervillier
Se je vueil penſer & veillier
À celle qui onques ne vit
Moi, ne je li : mais mon cuer vit
Par li en tres-douce plaiſance :
C’eſt ma joie & ma ſouſtenance,
C’eſt mes deduis, c’eſt mes delis,
C’eſt droitement la fleur de lis
Dont roy, duc & conte ſe parent.
Car vraiement tuit la comparent
À la fleur de lis en blancheur,
À la roſe en fine douceur,
En honneur à la treſmontaine,
Et en chanter à la ſeraine.
Hé Dieus ! quand ſon noble renom
Puis oÿr, & ſon tres-dous nom,
D’aucune aventure, nommer,
Il n’eſt clers qui ſcéuſt ſommer,
Dire, penſer, ne mettre à nombre
La joie qui à moi s’aombre.

Si com j’eſtoie en ce parti,
Un varlet ſur moi s’embati,
Qui diſt : « Sire, ce vous trameſt,