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Page:Maeterlinck - Pelléas et Mélisande, 1907.djvu/45

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tombée de la tour !… Je les tiens dans les mains, je les tiens dans ma bouche… Je les tiens dans les bras, je les mets autour de mon cou… Je n’ouvrirai plus les mains cette nuit…

MÉLISANDE.

Laisse-moi ! laisse-moi !… Tu vas me faire tomber !…

PELLÉAS.

Non, non, non ;… je n’ai jamais vu de cheveux comme les tiens, Mélisande !… Vois, vois, vois, ils viennent de si haut et ils m’inondent jusqu’au cœur… Ils m’inondent encore jusqu’aux genoux… Et ils sont doux, ils sont doux comme s’ils tombaient du ciel !… Je ne vois plus le ciel à travers tes cheveux. Tu vois, tu vois, mes mains ne peuvent plus les tenir… Il y en a jusque sur les branches du saule… Ils vivent comme des oiseaux dans mes mains… et ils m’aiment, ils m’aiment mille fois mieux que toi !

MÉLISANDE.

Laisse-moi… laisse-moi… quelqu’un pourrait venir…

PELLÉAS.

Non, non, non ; je ne te délivre pas cette nuit… Tu es ma prisonnière cette nuit ; toute la nuit, toute la nuit…