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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/119

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LA LUXURE DE GRENADE

méra interminablement les motifs de se plaindre qu’elle imaginait, les griefs qui poussaient dans son esprit avec plus de force que les orties dans les champs.

Boabdil portait au-dessus de son visage, comme un casque écrasant, un front disproportionné sous lequel clignotaient des yeux tellement petits qu’on n’en voyait jamais le regard, se plissait une bouche dont la minceur révélait l’amour de la trahison. La haine de sa mère lui procura une jouissance mentale qu’il n’avait pas encore connue. Il l’attisa de ses suggestions, il la partagea avec ivresse.

— Le roi de Grenade faisait régner une chrétienne sur l’Alhambra et sur le royaume ! Et cette chrétienne avait beau prétendre qu’elle était la fille d’un Alcaïde espagnol, il était prouvé qu’elle sortait d’un bouge de Séville et que le soldat qui l’avait amenée l’avait eue au bord du chemin ! Devant cette fille devaient s’incliner les descendants des plus grandes familles, les Zegris qui étaient les petits-fils des souverains du Maroc, les Maliques qui faisaient remonter leur origine à Almo-Habès, premier roi du royaume du Cuco. Il était certain que dans son audace sans mesure, poussée par ses anciennes habitudes de prostitution ou par un besoin démoniaque de son corps, elle se donnait à des hommes toutes les fois qu’elle le pouvait. On l’avait vue dans la cour des myrtes avec le jeune médecin Almazan, un autre infidèle. Elle avait jeté les yeux sur le malheureux Tarfé qui ne jouissait pas de toute sa raison. Elle le trouvait beau, il avait dix-huit ans et il passait pour être animé d’une folie lubrique. Le plus inconcevable