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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/127

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LA LUXURE DE GRENADE

du genou et toujours agrippées, nues maintenant hors de leurs voiles en lambeaux, elles se redressèrent un instant, défaillirent contre la balustrade, au milieu des glycines violettes, et culbutèrent dans l’ombre du jardin en poursuivant toujours leur lutte.

Le jardin du cyprès n’était qu’à une faible hauteur du balcon et d’instinct les deux femmes se tenant d’un bras s’accrochèrent de l’autre aux épaisses branches de la glycine. Cela adoucit leur chute, elles s’étalèrent dans une plate-bande de lys, soulevant comme un tourbillon la poussière d’or des pistils.

Or, un eunuque vit la scène d’une fenêtre. Il saisit un fouet à tout hasard et se précipita.

À la clarté de la lune, se trouvant en présence de ces deux furies bavant, ensanglantées, montrant les dents et cherchant encore à se frapper, à s’étrangler parmi la neige et l’or des lys, il crut avoir affaire à deux esclaves ivres, et, pour réprimer ce prodigieux scandale il cingla à plusieurs reprises leurs reins meurtris.

Les deux femmes se mirent debout en hurlant. L’eunuque les reconnut, crut à une diabolique hallucination, laissa tomber son fouet et s’enfuit. Mais sa venue et ses coups de fouet avaient dégrisé les combattantes. Étouffant la marée de leurs nerfs qui accourait du tréfonds de leur être, elles sautèrent par-dessus les massifs et quittèrent l’abri du cyprès qui allongea son ombre muette sur les lys ravagés, les glycines mortes.

Quand les portes de leurs appartements se furent refermées en claquant, Aïxa et Isabelle, sans même panser leurs blessures, s’écroulèrent, en proie au mi-