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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/132

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LA LUXURE DE GRENADE

plus humble des mendiants, quand il regardait au loin les contours de l’Alhambra, se sentait riche de la mystérieuse réserve d’or qui était enfermée là.

Il y avait encore une autre légende. Quelque chose de plus précieux que l’or et les bijoux était la propriété des rois de Grenade et reposait dans l’Alhambra. C’était un talisman. Si quelques tribus de l’Yemen et de Hira avaient pu conquérir le monde avec une si fabuleuse rapidité, portant toujours plus loin l’étendard du Prophète, c’était par une possession magique, plus que par le courage ou que par le nombre. Car tous les historiens étaient unanimes. Il y avait quelque chose d’inconcevable dans la conquête arabe, quelque chose d’ailé qui dépassait la chance ou l’énergie de l’homme. Okba n’avait pas une armée considérable quand il alla de la Mer Rouge à l’Atlantique et poussa son cheval dans la mer occidentale en regrettant qu’elle interrompît sa course, Tharek ne commandait qu’à sept mille hommes quand il passa en Espagne et n’avait reçu que quelques renforts quand, aux bords du Guadalete, il écrasa l’immense armée de Roderic. Tant de victoires imprévues cachaient un mystère. Tous les chefs avaient fait transporter derrière eux un objet voilé, innommable, intangible, aussi sacré que le Saint des Saints de Moïse, invisible comme Dieu lui-même. Quand Moussa avait fait élever un obélisque à Carcassonne, ce n’était pas seulement pour attester ses progrès dans la Gaule Narbonnaise, c’était pour abriter ce talisman. Les rois se le transmirent précieusement durant des siècles. Les Omméyades le placèrent dans la mosquée de Cordoue. Les Almoravides construisirent pour lui la Gi-