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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/140

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LA LUXURE DE GRENADE

de rubis comme autant de gouttes de sang et une poignée de saphirs comme autant de gouttes d’une source enchantée. Elle le flagella avec un collier de topazes chargé de pendentifs d’or et comme elle était en face de lui, derrière une urne de bronze, elle lui passa à la volée ce collier autour du cou, en sorte qu’il faisait en courant une musique de pierreries.

Il la suppliait de paroles puériles et il la menaçait tour à tour. Il s’essoufflait et comme si un ensorcellement était sorti des objets environnants, tous deux se mirent à trembler. Les meubles, les étendards, les cristaux avaient été enlevés à des villes pillées sous des flammes d’incendies, il y avait des soies précieuses qu’on avait arrachées du corps des femmes, au moment où on les violait, et on avait souvent coupé des doigts pour en ôter des bagues étroites. Ces meurtres anciens, ces drames révolus, s’évoquaient mystérieusement, transparaissaient dans les miroirs et l’éclat des coupes, se changeaient en rage amoureuse chez l’homme, en terreur panique chez la femme.

Elle allait atteindre la porte, mais elle glissa soudain et ils tombèrent tous deux sur un lit de dinars d’or. Il la serrait comme s’il avait voulu l’écraser, mais elle lui griffa le visage au point qu’il sentit du sang lui couler dans les yeux, elle rampa sous lui et elle lui échappa à nouveau.

L’un et l’autre avaient perdu la raison.

Elle prit à deux mains l’épée de Dhoul-Fikar et elle la leva.

— Je frappe si tu approches, dit-elle.

La fureur de l’Émir tomba. Le souple corps qu’il