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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/147

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LA LUXURE DE GRENADE

ses paupières palpitantes, ses dents apparaissaient entre ses lèvres plus rouges, comme des promesses de morsure et la volupté sortait de ses vêtements comme une onde presque tangible.

Il s’était assis près d’elle et elle lui parlait. Elle était tout à coup pleine de sincérité et de confiance. Elle se laissait aller à un élan de sympathie dont elle ne cherchait pas la cause.

Elle aimait le plaisir, eh bien, après ? Elle ne s’en cachait pas. Elle n’était que plus véridique que les autres, voilà tout. Elle périssait d’ennui aux côtés de l’Émir et l’Alhambra avec ses splendeurs lui paraissait morne parce qu’elle n’avait personne de sa race à qui se confier. Et pourtant l’Émir l’aimait au point de faire tous ses caprices. Almazan avait-il entendu parler du fameux trésor des rois de Grenade ? Elle pouvait y puiser comme il lui plaisait. Elle avait même fait placer dans sa chambre un petit coffre très laid, une sorte de boîte qui était peut-être en or et que tous les Arabes depuis des siècles considéraient comme vénérable et très précieuse. Elle y mettait ses turbans et ses babouches. Mais à quoi bon des bijoux ou des talismans si on n’a pas de bonheur ?

Almazan l’écoutait, anxieux, ne sachant pas si cette rencontre avec Isabelle était un événement agréable ou un piège de sa mauvaise destinée.

Parfois elle versait dans une tasse de porcelaine la liqueur d’orge torréfié et elle la portait à ses lèvres. Elle avait fait signe à Almazan de s’asseoir à côté d’elle, elle s’animait et sa voix devenait plus basse comme pour donner plus d’importance à ses paroles.