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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/148

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LA LUXURE DE GRENADE

— Dire que j’aurais été à toi la première fois que je t’ai vu, si tu avais voulu. J’avais peur ! Tu m’as désirée, ne dis pas non, je l’ai compris à ton regard et tu as failli te jeter sur moi quand tu m’as déposée sur ton lit. Je n’aurais pas résisté. D’ailleurs, si tu ne m’avais pas désirée, pourquoi serais-tu venu chez Aboulfedia ? Pour lui demander des conseils de médecine, peut-être ? Tu m’as vue toute nue sur la piscine aux faïences bleuâtres. Je savais que tu me regardais derrière les mailles de la gaze d’or où cet ignoble Aboulfedia t’avait placé. C’est de ses plaisirs habituels et je m’y suis prêtée quelquefois, pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être parce que je ne te connaissais pas encore. Peux-tu m’expliquer comment il se fait que toute la vie dépend de la rencontre d’un homme et pas d’un autre. Quel mystère que la sympathie ! J’ai été sur le point d’être amoureuse d’un jeune homme Maure qui s’appelle Tarfé. Il appartient à une illustre famille, celle des Almoradis, et il m’a plu parce qu’il passe pour stupide. Car la stupidité attire la femme autant que l’intelligence, peut-être davantage.

Le front, d’Almazan s’était rembruni. Ce Tarfé était ce cavalier qu’il avait rencontré en arrivant pour la première fois à Grenade et qui l’avait dévisagé insolemment. Depuis il l’avait revu et la répulsion qu’il avait éprouvée pour sa beauté bestiale n’avait fait qu’augmenter. Peut-être Isabelle avait-elle pressenti cette répulsion, car elle insista à dessein.

— On l’a surnommé le bouc, mais auprès de moi il est doux comme un agneau. Nous n’avons échangé que quelques syllabes et il a trouvé le moyen de me