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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/149

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LA LUXURE DE GRENADE

dire qu’il pensait à moi et qu’il agiterait chaque soir une lampe rouge au sommet d’une terrasse de l’Albaycin pour me le rappeler. Ce n’est qu’un enfantillage, mais je manque tellement de distractions !

Il sembla à Almazan qu’on lui traversait l’âme avec un couteau. Il eut sur les lèvres quelques paroles méprisantes pour l’Almoradi dont la folie était célèbre dans Grenade mais il en eut honte et il ne les prononça pas.

Le ciel, depuis qu’ils causaient, s’était chargé de nuages et des gouttes de pluie faisaient de grands cercles dans le bassin de la cour des Myrtes.

Almazan s’était levé. Il expliqua qu’il ne pouvait guère demeurer plus longtemps. L’Émir avait beau professer les idées des libéraux Ommeyades dont il disait descendre, il prendrait certainement ombrage d’une aussi longue entrevue.

— Tu ne sais donc pas ! s’exclama Isabelle. L’Émir est parti. C’est un secret d’État que le Hagib et moi sommes seuls à savoir. Il a amené cinq cents cavaliers et ils vont aller ventre à terre pendant une partie de la nuit. As-tu entendu parler de la ville de Zahara, près de Ronda ? Il paraît que son église possède des objets d’une grande valeur et c’est là que doit être en ce moment la femme du majordome de mon père que je hais. Eh bien ! l’Émir va s’emparer cette nuit de Zahara et me rapporter demain le trésor sur un mulet et la femme du majordome avec une chaîne au cou.

Almazan frémit. La vieille guerre des Maures et des Espagnols interrompue depuis longtemps allait alors se ranimer cette nuit. Les rois catholiques