Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
LA LUXURE DE GRENADE

avaient laissé sans réponse le refus de payer le tribut mais l’attaque de Zahara ne pouvait être que le premier coup d’une guerre sans merci.

Isabelle vida dans sa tasse la liqueur contenue dans l’alcarazas et elle but d’un trait. Ses yeux étaient noyés et ses lèvres humides comme si déjà l’approche du plaisir se faisait sentir. Le vent d’orage qui s’était levé soulevait ses voiles et semblait vouloir les ôter. Il y avait dans toute sa chair cet alanguissement que donne l’attente de la volupté.

— Cette nuit est à moi ! reprit-elle. Tu ne peux pas savoir le bonheur que cela représente. Ne m’abandonne pas. Je sens qu’il y a en toi une flamme qui est pareille à la mienne ; je te l’avoue, j’allais me donner cette nuit à ce jeune Almoradi. L’amour a dû le rendre intelligent car il a soudoyé les eunuques et il s’est arrangé pour pénétrer dans l’Alhambra sous le costume de l’un d’eux. Quand le soleil aura disparu, si je réponds au signal d’une lampe levée dans l’Albaycin, il viendra. Mais je n’aime pas cet Almoradi.

De grandes feuilles arrachées aux magnolias tourbillonnaient et parfois l’une d’elles tombait brusquement dans la pièce, comme un espoir nouveau, au seuil d’une soirée qui commence. Isabelle avait l’air d’une enfant qui a le désir d’un jouet. Sa voix était devenue persuasive et presque suppliante.

— Ne bouge pas de chez toi ce soir. Je simulerai une grave maladie et je te ferai appeler. Depuis que tu as guéri sa plaie à la jambe l’Émir te considère connue sa sauvegarde et celle de tous ceux à la vie de qui il tient. Rien ne paraîtra plus naturel. Et au