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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/153

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LA LUXURE DE GRENADE

celle de l’esprit contre la chair et il doit la gagner tout seul, parce qu’il n’y a de victoire féconde que celle que l’on remporte sans appui. Celui qui revient en arrière était parti avant l’heure et il connaîtra le dur recommencement. Comme je te souhaite de conquérir ce pouvoir qui n’est donné qu’aux élus, de ne voir dans la beauté de la matière que l’esprit qui en est le sens éternel et non la forme qui n’en est que l’expression passagère !

La forme ! la forme parfaite ! Ce mot évoquait pour Almazan le corps de la femme qu’il ne pouvait oublier. Ah ! la ligne tombante de l’épaule, le creux des reins et la jambe svelte comme une tige qui s’élance. Quel était l’esprit caché derrière l’ambre et le rose de cette peau ?

Le soir commençait à tomber. Almazan fit un mouvement pour se retirer.

— Je t’avais promis, fit Rosenkreutz, de te faire connaître Soleïman qui retrouve les incarnations des hommes. Nous sommes ici tout près de la maison où il vit avec ses trois frères dans le quartier des lépreux, je vais t’y conduire.

Almazan eut une hésitation. Isabelle pouvait l’envoyer chercher après la tombée de la nuit. La porte était déjà ouverte et Rosenkreutz descendait la rue.

Ils traversèrent les deux enceintes de la porte des Étrangers, marchèrent quelque temps sous la pluie qui redoublait et atteignirent la léproserie.

Elle était entourée d’une haute muraille d’une couleur si jaune, si affreuse qu’elle avait l’air elle-même attaquée par la maladie qu’elle enfermait dans son vaste cercle. Cette muraille était percée d’un très