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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/155

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LA LUXURE DE GRENADE

Une grande ombre s’étendit au-dessus d’eux.

— Voici la demeure des quatre frères, dit Rosenkreutz. C’est une ancienne forteresse qui a été rebâtie par eux. Leur histoire reste pour moi inexplicable. Le mal les a atteints presque en même temps. Tous quatre étaient des hommes mauvais et débauchés, au point que le prédécesseur d’Abul Hacen songeait à les bannir de Grenade. Soleïman, à la suite d’une nuit plus agitée que les autres passée dans la compagnie de ses frères, eut une sorte de révélation. Il prétendit que le Prophète lui était apparu et il se mit à mener une vie ascétique, mais d’un ascétisme spécial, celui d’une très ancienne secte de Soufis qui recherchent l’extase divine dans l’ivresse du vin. Il eut alors, par intermittences d’abord, puis de plus en plus fréquemment, des visions du passé et le don lui vint de lire dans la lumière astrale les vies précédentes des hommes. En même temps les symptômes de la lèpre s’étaient développés chez les quatre frères. L’Émir qui ne les aimait pas se hâta de les envoyer ici. Ils acquirent alors cet antique château, qu’ils aménagèrent somptueusement. Soleïman a accepté sans se plaindre sa destinée tandis que ses frères, plus assoiffés de plaisirs que jamais, vivent auprès de lui dans une rage constante.

Les deux hommes avaient traversé un enclos où la pluie claquait sur des feuilles qu’on ne voyait pas. Ils perçurent la présence d’hommes couchés qui étaient peut-être des serviteurs, peut-être les maîtres du lieu. Quelqu’un reconnut Rosenkreutz car une voix brisée sortit de l’ombre et cria :

— Il est là. Vous pouvez entrer.