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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/197

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LA LUXURE DE GRENADE

siques au lieu d’élever son esprit par l’extase, comme le lui avait enseigné autrefois, à Malaga, son maître, le vieux Soufi Abou-Lahab. Elle allait entrer dans le cycle de l’expiation.

Mais non, ce n’étaient pas des Gennis. Elle se souvenait ! Les porteurs envoyés par Almazan l’avaient conduite dans la ville des lépreux. Elle était tombée dans un piège et c’était celui qu’elle aimait qui l’y avait fait tomber. Elle était parmi de vivants lépreux plus redoutables qu’Iblis lui-même parce qu’il y a certaines souillures du corps qui ne peuvent pas s’effacer.

Et, soudain, les trois hommes qui buvaient, s’immobilisèrent, et les six flammes de leurs yeux se tournèrent du côté de Khadidja et y demeurèrent fixées. Ils avaient vu le regard vert qui venait de s’animer à travers l’ombre de ses longs cils.

Un cri retentit. Les trois lépreux étaient debout. Khadidja vit une forme épaisse faire une sorte de bond et elle eut sur son cou la même sensation de râpe humide qu’elle avait eue sur sa main. Son voile craqua. Une main l’ouvrait, s’efforçait de le fendre de haut en bas.

Gelée soudain par une horreur sans nom, Khadidja se redressa dans la même seconde et parvint à se dégager. Elle chercha du regard autour d’elle ce qui pouvait la protéger de l’atteinte des trois hommes. À l’exception d’une petite table et d’une haute lampe de bronze, la pièce était nue. Remontant les morceaux de son voile sur ses seins découverts, elle s’abrita derrière la lampe et elle regarda en face le danger hideux qui la menaçait.