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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/20

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LA LUXURE DE GRENADE

jeune médecin. Pour lui, le danger matériel n’existait plus. Il lui avait confié qu’il venait de découvrir un ordre de dangers bien plus redoutable. Il connaissait le secret des forces mauvaises et invisibles qui oppriment les hommes. Ce n’était pas avec des portes bien fermées et de hautes murailles qu’on se garantissait de ces forces. Mais il savait aussi l’art de diriger les puissances bénéfiques qui contrarient le mal. Il n’avait plus besoin maintenant des livres, des appareils, des lunettes si patiemment amassées à Alcala. Parmi les buis centenaires qui entouraient d’une forêt vert sombre la vieille demeure, il était décidé à errer désormais, solitaire, revêtu de la robe blanche des philosophes grecs.

Du reste, il allait peut-être initier Almazan à ses secrets. Il hésitait encore. Il le trouvait trop jeune et surtout trop beau de visage, avec des yeux trop grands et trop noirs. La beauté du corps, disait-il, était un lien redoutable qui nous entraînait dans la chaîne des passions. Rien n’était pressé. Almazan devait revenir. Il avait ajourné les révélations.

Il lui avait posé, en le quittant, ses deux mains sur les épaules, en lui disant :

— À bientôt.

Et comme Almazan s’éloignait à travers les allées, Pablo l’avait rejoint et lui avait fait part de ses craintes. Il trouvait que les discours de son maître devenaient étranges et que quelque chose d’inquiétant flottait sur cette maison solitaire. En outre, un homme inconnu était venu la veille et avait passé toute la nuit à s’entretenir avec l’archevêque. Pablo avait fait le portrait de cet homme.