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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/21

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LA LUXURE DE GRENADE

Il devait avoir une cinquantaine d’années. Il était de haute taille avec un visage pâle et des yeux extraordinairement brillants. Ses vêtements noirs étaient de coupe simple mais décelaient quelque chose d’oriental. Il ne portait aucune arme apparente et c’était ce qui inquiétait le plus Pablo.

Pourquoi, songeait Almazan, m’avait-il fait solennellement jurer de n’indiquer à personne le lieu de sa retraite ? Quelqu’un la savait pourtant. Quel pouvait être ce visiteur ? Quel pouvait être le message urgent et qui avait empoisonné Pablo ?

La chaleur ne diminuait pas à mesure que la nuit avançait. Elle était même de plus en plus lourde. Les feuillages des orangers du patio se découpaient sous la lune avec une telle netteté qu’ils semblaient artificiels et comme taillés dans du jade. Le bassin de marbre, les colonnades circulaires apparaissaient à Almazan tellement blancs que toutes les choses, autour de ce mort livide, avaient l’air irréelles et qu’il croyait méditer dans un cauchemar.

Tout d’un coup, il bondit sur ses pieds. Venant, il ne savait d’où, une voix étouffée avait appelé,

— Almazan !

Il regarda le corps étendu devant lui. Est-ce que ses lèvres ne s’agitaient pas ? N’était-ce pas lui qui disait encore son nom, qui le répétait plusieurs fois ?

Mais non. Les lèvres du vieux serviteur de Carrillo étaient maintenant pincées, serrées si rigidement qu’elles semblaient closes par des tenailles de plomb.