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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/200

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LA LUXURE DE GRENADE

Elle était brisée. Son cœur retentissait dans sa poitrine.

— Sauvez-moi ! Au nom du Prophète ! Sauvez-moi ! cria-t-elle.

Soleïman avait entendu du bruit et il s’était levé pour aller voir ce qui se passait. Il se trouva subitement en face de Khadidja, en face de ses trois frères essoufflés, hagards, mais d’autant plus possédés par leur désir.

Ainsi voilà ce qui le réveillait de l’extase dans laquelle il était plongé et où il cherchait à confondre avec Dieu son âme enfin purifiée ! C’était pour cela que le Prophète lui était apparu et l’avait guidé sur la voie du renoncement ! Il avait cru à la promesse secrète qu’aucune parole n’avait formulée mais qu’il avait entendue durant les nuits d’exaltation spirituelle, la promesse du pardon. Le visage du Prophète avait menti, il n’y avait pas de pardon.

Par un inexplicable sortilège, par un maléfice hallucinant, voilà que le passé revivait devant ses yeux. Comme dans la scène atroce de jadis, il voyait ses frères ivres, il voyait une femme aux vêtements déchirés qui le regardait avec des yeux verts agrandis par l’effroi et, avec la même voix, lui semblait-il, le suppliait par les mêmes mots. Pas de rédemption pour les fautes ! La luxure était éternelle, de même que l’amour de faire souffrir le faible et de répandre son sang. Pas de rédemption ! Pas de perfection possible ! Comme le mouvement des marées, comme les tempêtes, revenaient les instincts criminels dans les âmes des hommes qui s’étaient cru un instant illuminés par le soleil.