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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/222

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LA LUXURE DE GRENADE

délateur, cet espion, cet empoisonneur, avait tout de même fait le sacrifice de sa vie, car l’assassin de l’Émir, entre les murailles de l’Alhambra, n’avait aucune chance d’échapper. Il y avait des hommes que le mal fanatisait comme le bien fanatise et qui offraient à ce mal leur existence en holocauste.

Mais c’est que, peut-être, ce qui était le mal pour les uns ne l’était pas pour les autres. Il y avait deux versants qui ne communiquaient pas, deux royaumes extrêmement lointains et qui se touchaient, et des deux côtés, les habitants de ces mondes vivaient avec l’illusion que leur lumière était la seule véritable.

Cette pensée était odieuse à Almazan, mais devant le visage du mort il ne pouvait s’en détacher. Et ce mort n’était rien qu’un instrument, presque inconscient. Ce qui était plus terrible, c’est qu’il y avait des hommes d’une grande intelligence et qui étaient foncièrement mauvais. Mais le savaient-ils ? Étaient-ils animés par un clairvoyant amour du mal ou avaient-ils pris une voie différente qui était leur erreur mais où ils croyaient marcher dans la vérité ?

Il se rappela tout ce qu’il savait de Torquemada et ce qu’il avait lu à son sujet dans le cahier de son maître Carrillo.

« Des yeux clairs, miraculeusement profonds qui ne reflétaient ni la haine, ni la pitié, ni le désir, ni l’orgueil, mais une certitude étrange qui me fit frémir. »

— Toujours plus d’intelligence, toujours plus d’amour, disait Rosenkreutz. La rose et la croix !

Mais il pouvait y avoir des esprits arrivés à un haut