Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
LA LUXURE DE GRENADE

Depuis le matin, la galère de l’Émir attendait un vent favorable. Ce vent venait de se lever et la galère s’apprêtait à partir. Les voiles se déployaient, des étendards claquaient, des mahones pavoisées de banderoles sillonnaient le port.

Aboulfedia et le rabbin virent une de ces mahones qui se détachait d’un appontement du quai. Elle contenait quelques marins, reconnaissables pour des marins de la flotte de l’Émir à leur cafetan court aux manches étroites, serré à la taille par une ceinture de laine bleue. Aboulfedia héla cette mahone en brandissant un parchemin déployé où était visible le sceau vert des rois de Grenade.

La mahone s’arrêta et revint contre le quai, les rames levées. Aboulfedia tendit le parchemin à l’officier qui la commandait. C’était un droit de passage pour le porteur, à bord de la galère de l’Émir. Et il s’apprêta à descendre dans la mahone, suivi du rabbin.

Mais l’officier l’arrêta.

Le droit de passage n’était que pour un seul voyageur, il ne pouvait en prendre deux. En vain, le rabbin Anan ben Josué voulut-il en référer à l’Émir Daoud lui-même. Il était trop tard. La galère levait l’ancre et la mahone avait juste le temps de la rejoindre. Un seul voyageur ! Les rames allaient s’abaisser.

Les deux hommes échangèrent quelques paroles rapides.

— Tu es le plus digne, dit Aboulfedia.

— Tu es le plus fort, dit le rabbin. Qui sait quelles luttes il faudra encore soutenir !