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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/252

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LA LUXURE DE GRENADE

Elle devenait silencieuse, contemplant ce qui dans les régions de l’âme est au delà du regret.

D’autres fois les deux amants s’asseyaient sur la terrasse de la maison et, serrés l’un contre l’autre, ils écoutaient indéfiniment une joueuse de darboukah placée parmi les lauriers blancs du jardin. De lointaines musiques venaient de la ville. Des chanteurs longeaient le rivage et leurs voix traînantes dans la nuit semblaient ouvrir d’invisibles portes sur le monde des désirs.

Almazan et Isabelle s’étreignaient alors et ils ne se rassasiaient pas du plaisir de se posséder. Mais le repos qui suit les caresses était toujours mêlé d’amertume. Isabelle pensait à sa gloire qu’elle avait perdue. Sa vanité, qu’elle avait développée comme un appétit, n’étant plus satisfaite, la faisait souffrir. Et Almazan se souvenait de Rosenkreutz qu’il avait abandonné sans le prévenir, il se souvenait de ses projets, de son but. Défendre l’esprit, transmettre la vérité ! Ah ! comme il en était loin !

Tous les deux comprenaient par leur silence réciproque l’ordre de pensées dans lequel ils s’enfonçaient. D’un commun accord, ils s’évadaient de cette ombre pour se retrouver face à face, actifs, clairvoyants, avides de se faire souffrir sur un terrain, toujours le même, dont ils parcouraient sans fin la courbe désolée.

Isabelle parlait des hommes dont elle avait été aimée. Elle jetait d’abord un nom, négligemment.

— Celui-là aussi ? questionnait Almazan.

Elle disait : non, mollement, en détournant la tête. Alors, il lui prenait les poignets, il fallait qu’elle