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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/253

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LA LUXURE DE GRENADE

avouât, qu’elle lui racontât comment c’était arrivé et il la menaçait, il la désirait davantage. Elle jurait qu’elle n’aimait que lui. Ils convenaient tous les deux que le passé était un abîme sur lequel il ne fallait pas se pencher pour ne pas être flétri par l’haleine qu’il dégageait. Mais ils étaient avides de recommencer l’un et l’autre, lui à cause de la curiosité dévorante qui est le fond du désir de l’homme, elle pour l’émotion d’une volupté plus intense qui naissait d’une jalousie toujours plus furieuse.

C’était par les nuits les plus tranquilles, sous les cieux les plus immaculés, qu’Isabelle évoquait ses débauches passées, à Séville, avec Aboulfedia et les êtres louches qu’il racolait à Triana pour ses fêtes obscènes.

— Tu as entendu parler du Sabbat, disait-elle. Lui, connaissait la façon dont on le célébrait dans tous les pays. Il nous faisait revêtir des costumes singuliers et il y avait des rites tellement absurdes que nous ne pouvions les accomplir sans éclater de rire. Ah ! nous nous amusions bien, quelquefois, avec Rodriguez ! C’était toujours moi la femme que l’on mettait nue sur l’autel et sur le ventre de laquelle on célébrait la messe. D’abord j’avais de la peine à garder mon sérieux. Mais à mesure que la cérémonie se poursuivait, soit par le fait de la chaleur, des parfums d’encens et de musc mêlés, ou à cause de cette atmosphère diabolique, ma raison s’égarait, je ne pensais plus à rien, j’avais envie de caresses, j’en recevais et je ne savais pas ensuite quels hommes m’avaient fait tant de marques sur le corps, en me serrant contre eux.