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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/254

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LA LUXURE DE GRENADE

Almazan claquait des dents. Parfois il la menaçait. Mais d’autres fois, livide, voulant apprendre davantage, il la suppliait de parler encore.

— Oui, la profanation ajoutait au plaisir. Aboulfedia sculptait lui-même des Christs pareils à des divinités phalliques du paganisme. Les gouttes de cire des cierges étaient comme des étincelles qui attisaient les corps déjà énervés par le murmure des litanies infâmes. Rodriguez était beau comme un ange et sa vilenie avait un attrait pervers. Elle se souvenait d’un froissement de chasuble sur ses reins, d’une fille ivre renversée, de lèvres qui avaient un goût de malédiction. Elle avait la nostalgie de la volupté parmi les fumées des cassolettes, au milieu d’une parodie d’adoration.

Brisés et furieux, Almazan et Isabelle finissaient toujours par s’étreindre plus passionnément sur la terrasse qui dominait la ville et la mer. Mais après ils demeuraient tristes et accablés, liés par une chaîne plus solide, séparés par un abîme plus profond.

Et par un accord tacite, ils ne parlaient jamais de Tarfé, mais avec une force égale, ils y pensaient tous les deux.

L’armée du roi Ferdinand était déjà à Besmillana, à deux lieues de Malaga et personne ne croyait encore à la possibilité d’un siège. De formidables murs d’enceinte flanqués de tours carrées dressaient leur masse autour de la ville, face aux montagnes. Des canons étaient disposés sur les môles du port. Et le port et la ville étaient dominés par l’Alcazaba, bâti sur une