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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/258

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LA LUXURE DE GRENADE

La nuit vint. Une batterie de lombardes dressée sur une colline lança sur la ville ses premiers projectiles. Ils ne faisaient pas grand mal. Ils tombaient sur des terrains vagues, près du port. Les habitants, accroupis sur leurs terrasses, regardèrent longtemps la courbe rougeâtre qu’ils traçaient dans le ciel, comme des comètes prophétiques annonçant le règne du feu.

Almazan passait maintenant ses journées dans les sous-sols des tours convertis en hôpitaux et remplis de blessés. Au coucher du soleil, il se rendait à l’Alcazaba. Il faisait partie d’un comité de douze membres chargé d’organiser la défense de la ville.

Ainsi l’avait voulu Hamet el Zegri. Car ni lui ni personne ne connaissait la présence d’Isabelle à Malaga et on honorait en Almazan celui qui avait été l’ami et le conseiller d’Abul Hacen.

Almazan travaillait avec passion. Il avait définitivement renié ses attaches et son éducation de chrétien. D’ailleurs, il était Arabe par sa mère. Il savait qu’en défendant le royaume des Maures, il servait la cause de la civilisation et de l’esprit. Christian Rosenkreutz n’était-il pas venu de lointains pays pour lutter par la pensée contre la vague de fanatisme, l’apport actif de mal du peuple Espagnol. Il approuverait sa conduite, quand il la connaîtrait, il lui pardonnerait son brusque départ et son long silence.

L’incessante activité qu’il déployait l’empêchait de penser à Isabelle. Il rejetait durant la journée les images qui le faisaient souffrir.