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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/259

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LA LUXURE DE GRENADE

Mais lorsqu’il longeait le port à la clarté des étoiles pour revenir chez lui, lorsqu’il suivait les étroites rues entre des murs blancs, ces images accouraient inexorablement dans son âme, aussi vivantes, aussi précises, aussi torturantes. Il pressait le pas. Il franchissait avec rapidité les degrés du porche en faïence de sa maison et tout de suite, il criait :

— Isabelle ! le cœur battant, rempli d’anxiété, de désir et de cette amère espérance de catastrophe que vous apportent certaines amours.

Ce soir-là, il rentra plus tôt qu’à l’ordinaire. Aucun pas de serviteur ne résonnait dans la maison. Personne ne répondit à son appel. Il pensa qu’Isabelle se trouvait dans le jardin et il traversa rapidement les salles du rez-de-chaussée et les terrasses.

À travers les lauriers dont les bosquets s’allongeaient vers la mer avec des jaillissements de gerbes blanches, il aperçut une forme qui s’éloignait.

Il allait crier encore :

— Isabelle !

Mais il distingua que cette forme était d’une stature élevée et marchait avec une hautaine assurance. Il se précipita en avant. L’ombre s’arrêta et revint vers lui. C’était un homme. Almazan savait que tous ses esclaves avaient été enrôlés comme soldats et portaient des boulets sur les remparts. Il se pencha en avant pour voir le visage de l’inconnu. Celui-ci fit de même. Ils se touchèrent presque et ils reculèrent avec une horreur égale. Almazan avait reconnu Tarfé.

Le jeune homme avait cette expression bestiale