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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/266

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LA LUXURE DE GRENADE

comme des monticules de sable dans un désert modelé par le vent.

Parfois les gardes des remparts de Malaga, accroupis derrière les créneaux, voyaient rouler vers la ville une énorme tour faite avec des madriers de bois. Cette tour, œuvre de l’ingénieur Francisco Ramirez de Madrid, se collait aux murailles comme un monstre animé et il en jaillissait des passerelles volantes et des échelles d’où se précipitaient des nuées d’ennemis. Les trompes résonnaient, faisant de toutes parts accourir les défenseurs. Il y avait des corps à corps sans merci. Mais l’essentiel pour les soldats de Malaga était de protéger un groupe d’hommes, porteur de grandes bûches enduites de résine qu’ils enflammaient et lançaient aux pieds de la tour. Le feu finissait pas s’y communiquer. Les Espagnols qui n’avaient pas encore sauté sur les remparts s’enfuyaient au milieu des flammes ou grillaient sur les plates-formes. Et il ne restait plus que le squelette calciné et branlant de la tour vaincue.

D’autres fois, c’étaient les assiégés qui attaquaient. Hamet el Zegri, suivi de ses Gomeres, parvenait à atteindre pendant la nuit le camp espagnol. Chrétiens et Maures se poignardaient dans l’ombre, roulaient dans les escarpements, s’empalaient en luttant sur les pieux. Les Gomeres revenaient sanglants, portant comme trophées des cuirasses damasquinées, des ceintures ornées de bijoux et des têtes exsangues qu’ils avaient coupées.

Mais quand l’été vint, tous ceux à qui, dans Malaga, avait été donnée la faculté de la réflexion, comprirent que la Cause des Maures était perdue.