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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/267

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LA LUXURE DE GRENADE

L’armée du roi Ferdinand avait reçu des renforts immenses. Elle s’étendait sur toutes les montagnes environnantes et les longues files de mules qui venaient la ravitailler y faisaient des sillons animés.

Il n’y avait jamais eu un mois de Schaban aussi torride. L’implacable chaleur du ciel multiplia la misère du siège. L’eau vint à manquer. Les imams se réunirent solennellement dans la mosquée Djouma afin de demander à Allah de faire tomber la pluie bienfaisante sur cette partie malheureuse de la terre. Ils traversèrent la ville en cortège, suivis du peuple silencieux et ils défilèrent sur les remparts.

À la même heure, derrière le cardinal Talavera, derrière des prêtres portant des reliques, une immense procession de religieux qui tenaient des cierges et chantaient des cantiques, parcourait le camp chrétien pour remercier Dieu de sa protection.

Le soleil flamboyait impitoyablement d’un côté sur les robes noires et jaunes des imams, de l’autre sur les surplis étincelants, sur les mitres des évêques, sur l’or des croix. Entre les deux cortèges s’étendait un morne espace où il y avait des morts qu’on n’avait pas osé enlever et où les corbeaux planaient. Mais ni les imams ni les prêtres catholiques ne détournèrent leurs yeux. Les uns silencieux au sommet des murailles rougeâtres, les autres chantant parmi les tentes et les étendards, ils suivirent leur route, comme si leur foi les avait rendus aveugles.

Et Allah n’exauça pas les imams. Au contraire, la chaleur sembla redoubler. Les puits se tarirent. Il fallut mettre des gardes auprès de ceux dont on pouvait encore tirer une eau mêlée de vase et rationner