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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/285

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LA LUXURE DE GRENADE

à travers un monde d’hallucinations et de fantômes. Il promenait la lumière de la vengeance dans une cité fantastique.

Des fuyards sortirent en troupeau d’une mosquée. Il les traversa et il traversa aussi un groupe de soldats espagnols, pris de panique, qui criaient à d’autres :

— Prenez garde ! Voici les chevaliers de la Sainte-Hermandad ! Ils mettent à mort les incendiaires.

Il s’arrêta à un carrefour, frappé par un nom qu’il avait entendu dans la bouche d’Isabelle. Un soldat disait à un autre :

— C’est don Gutierre de Cardenas ! Il vient de planter l’étendard de Santiago et la bannière des rois sur la tour de l’Alcazaba.

Il vit passer, au milieu d’une escorte, un jeune homme aux yeux bleus, revêtu d’une armure blanche, avec une aigrette blanche à son casque qui ressemblait aux archanges Michel, tels qu’on les représente sur les enluminures des missels chrétiens.

Il ne s’arrêta pas.

Il était couvert de sang et il avait la sensation de porter à son poing, avec son poignard ébréché, une sorte de flamme purificatrice. Il ne se lassait pas de frapper. Il cherchait à donner la blessure qui sauverait les hommes. C’était la luxure du monde dont il voulait trouer le cœur.

Les arquebuses partaient sous ses pas. Il entendait siffler les flèches des arbalètes. Il repassait parfois par les mêmes rues, tombait sur les mêmes groupes. Des hurlements s’élevaient alors :

— Le voilà !