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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/286

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LA LUXURE DE GRENADE

Mais il était poussé en avant par une loi intérieure, plus forte que sa volonté, il traversait des gerbes d’épées sans être touché par elles et il disparaissait dans les ténèbres quand on allait le saisir, comme s’il était un morceau animé de cette ombre pleine d’épouvantes.

Et soudain à un carrefour, devant lui, proche à le toucher, comme la personnification de cette luxure nocturne qu’il poursuivait, se dressa, splendide, une créature nue, d’une extraordinaire beauté, dont la peau flambait, rose et blanche sous un feu de torche. Une seconde seulement ! Il eut durant une seconde une vision de beauté et de plaisir, si émouvante qu’un sanglot le secoua de la tête aux pieds. Ce fut comme si son âme chavirait, revenait en arrière. Ah ! L’idéal brillait aussi dans la matière de chair ! Mais rien qu’une seconde ! Vingt voix criaient :

— Zorah ! La plus belle fille de Malaga ! C’est moi qui l’ai mise nue ! Passez-la-moi !

Le porteur de la torche montra un visage balafré, avec des dents gâtées, derrière l’épaule de Zorah, Zorah la chaste, qui était la gloire de Malaga pour son génie poétique et sa beauté. Il la tenait par une poignée de sa chevelure, et la renversait un peu en arrière, ce qui tendait la courbe de ses seins. Et, comme de tous les côtés, avec des rires et des grognements, des hommes se ruaient sur Zorah, il promena à droite et à gauche sa torche, pour défendre sa proie. Mais trop tard !

La flamme circulaire éclaira des animaux à quatre pattes, un troupeau de créatures moitié loups, moitié porcs, qui se poussaient, qui se mordaient entre