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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/292

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LA LUXURE DE GRENADE

à chaque extrémité, ce qui donnait à cette couronne l’aspect d’une mitre diabolique ornée de cornes, et faisait ressembler ce Christ flottant sous le plafond, grinçant et trépidant, à une chauve-souris de rêve, un bizarre oiseau de nuit mal crucifié.

Le regard agrandi d’Almazan vit à peine les choses qui l’entouraient, le saisissant tableau de la chambre de tourment à laquelle il avait pensé si longtemps, dont ses compagnons de cachot lui avaient si minutieusement raconté l’horreur. Il revenait toujours à ce Christ, au-dessus de lui.

Car cette chambre de tourment était plus simple et moins terrible que ce qu’il avait imaginé. Deux torches de résine contre la muraille ne lui permettaient pas de voir, au fond, la poulie qui soulevait les patients par les bras et les laissait retomber en leur cassant les jointures, ni ces pinces de fer pour arracher la langue, ni ces instruments mystérieux. Le visage du bourreau ne reflétait pas une basse cruauté mais seulement une indifférence bornée et un tic qu’il avait à l’œil droit lui faisait perpétuellement hocher la tête.

Les quatre aides, aux corps trapus, avaient l’air de quatre colonnes de matière supportant dans ce lieu souterrain tout l’édifice de la prison. Comme la matière, ils étaient taciturnes et inanimés. Et sur la face de cet inquisiteur qui avait instruit son procès durant des mois, il retrouvait la même tristesse fidèle, la même absence de haine, le même désir de persuasion. Cet inquisiteur, gêné par sa haute taille, sans doute timide de nature et qui ne tirait son autorité que de sa foi, le regardait avec de gros yeux