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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/293

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LA LUXURE DE GRENADE

attentifs de chien. C’était un chien, exécuteur de consigne, à qui il avait été prescrit de rapporter une âme à l’église.

Seul était angoissant le Christ, là-haut, sur la face duquel un sculpteur, jadis, avait mis les stigmates de la stupidité.

Interminables étaient les secondes. On attendait quelqu’un. Les sens surexcités d’Almazan perçurent le bruit de la porte qui tournait et, au respect des visages, au mouvement du bourreau vers lui, à l’inclinaison respectueuse de l’inquisiteur devant quelqu’un qu’il ne voyait pas, Almazan comprit, son cœur se mit à battre dans sa poitrine et il commença à avoir peur.

Thomas de Torquemada, le grand inquisiteur d’Espagne, venait d’entrer et se tenait derrière lui.

Ce n’était pas la perspective de la torture qui effrayait Almazan, bien moins encore celle de la mort. C’était quelque chose qui s’était coulé vers lui dans l’air, quelque chose de hideux et d’inexprimable, émanant de l’être qui venait d’entrer derrière lui. Il ne le voyait pas. Immobilisé sur le chevalet, il ne pouvait pas le voir. Mais il savait qu’on n’avait retardé sa mise à la question que parce que le grand inquisiteur, Thomas de Torquemada, absent de Séville, avait tenu à l’interroger lui-même.

Maintenant il était là. À trois pas de lui se tenait un petit vieillard dont il ne connaissait pas le visage mais qu’il se représentait sculpté dans la pierre, ecclésiastique Moloch qui avait voué tant d’hommes à la mort en les désignant avec l’os de son doigt.

Il se souvenait des conversations qu’il avait eues