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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/294

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LA LUXURE DE GRENADE

à son sujet avec Christian Rosenkreutz. Quel mystère que l’âme de ce génial organisateur, de ce précis, de ce méthodique ouvrier qui avait fait de l’Église catholique une machine à soupçonner, à emprisonner, à brûler ! La machine était parfaite, puisque personne, dans toute l’Espagne, ne pouvait travailler à une découverte, étudier les sciences, aborder des problèmes philosophiques, sans être poursuivi comme hérétique. Quel mystère qu’un homme pût posséder, avec une foi aussi absolue dans sa vérité, une aussi totale absence de pitié, une haine aussi parfaite de la pensée.

Rosenkreutz avait dit vrai. Des hommes d’une haute spiritualité s’incarnaient à de certaines périodes pour prêcher des philosophies, fonder des religions. C’étaient ceux qu’on nommait sages et prophètes. Le Bouddha, Platon, Jésus, Mahomet. Mais il en était d’autres qui s’étaient donné la mission de faire reculer l’humanité dans sa marche, d’autres qui avaient l’amour abstrait du mal, du mal tout pur, qui est la négation de l’esprit. Néron à Rome, Gengis Khân en Mongolie, Hakem en Égypte. Et celui-ci, Thomas de Torquemada, était l’incarnation la plus complète de l’intelligence lucidement organisée pour détruire l’intelligence dont elle était née. C’était lui Satan, le prince du mal, sous l’uniforme de dominicain, avec l’aspect d’un vieillard ascétique.

Almazan sentit une misère plus grande que celle des cordes qui le serraient et de la torture prochaine. Une peur délirante, une peur de toute l’âme lui fit couler sur le front une sueur d’agonie.

En face de lui, l’inquisiteur à figure de chien