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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/307

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LA LUXURE DE GRENADE

tous les Processionnaires entonnèrent le Miserere, Le cortège se mettait en marche.

Des injures, des vociférations éclataient sur le passage d’Almazan. On lui montrait le poing. Il y avait des femmes qui essayaient de l’atteindre en crachant vers lui. Les soldats de la Sainte-Hermandad contenaient le peuple avec le bois des lances étendues. Un enfant parvint à passer entre eux et avec une baguette pointue lui piqua la joue.

C’est qu’Almazan était pour ce peuple pire qu’un hérétique ou même qu’un sorcier, Il était l’homme qui avait déclaré à plusieurs reprises durant son procès que s’il avait servi Abul Hacen à Grenade et aidé les Maures à défendre Malaga, c’était parce qu’il estimait la civilisation arabe bien supérieure à celle de l’Espagne où l’intolérance de l’Église et la cupidité des rois étendaient une ombre chaque jour plus épaisse. Il s’était glorifié d’avoir défendu sous l’égide du Croissant, les arts, la philosophie, la science. Il était un renégat, fier de l’être.

Almazan considéra avec surprise les visages de tant d’hommes furieux et il lui sembla que ces visages ne lui étaient pas inconnus. Il se demanda où il les avait déjà vus et il fit la remarque qu’ils avaient tous une certaine parenté, un air de famille, qu’ils se ressemblaient. Il avait vu quelque part, récemment, cette mâchoire carrée, ce cou épais et ces yeux que la haine remplissait de nuit. Il se souvint. Ces hommes ressemblaient au Christ fixé dans le plafond de la chambre de tourment. Ils étaient tournés vers lui avec la même stupidité aveugle. Il allait, suivi par les clameurs de cent mille Christs aussi avides que