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LA LUXURE DE GRENADE

venue chercher un refuge sous son toit ! Il était accompagné par une présence affectueuse. Et les eaux du Guadalquivir se déroulaient entre leurs berges brûlées comme une promesse d’amour, et plus douce était la ligne des collines qui bordaient l’horizon et qui étendaient à ses côtés une ombre bleuâtre. Il éprouvait une ardeur joyeuse de vivre, il trouvait le monde rempli de beauté.

Un martin-pêcheur s’éleva dans l’air et il s’arrêta presque pour regarder le sillage de plumes colorées qu’il faisait dans l’air. Il avait le sentiment que quelque part, autour de lui, un visage enfantin encadré de flamme le regardait avec de mobiles prunelles d’or. Il respira avec force l’odeur de végétaux qui se dégageait de la terre matinale et il crut sentir le parfum humain d’un corps qu’il avait tenu dans ses bras.

Il vit un berger qui descendait une pente. Il croisa un moine assis sur son âne. Il écouta une cloche lointaine. Il pressa son cheval. Enfin, sur sa gauche, au loin, il aperçut la masse sombre que faisaient les buis gigantesques de la demeure d’Aben Hezra.

Ces buis se dressaient comme une muraille. Ils étaient menaçants, tourmentés, aveugles. Ils évoquaient des pensées de solitude et de renoncement. Il fallait suivre pour les atteindre une très longue avenue bordée de peupliers et même quand on était proche de deux colonnes tronquées qui indiquaient que jadis il y avait eu là une grille, on ne voyait pas encore la maison que cachait la forêt des buis centenaires.

Almazan se penchait en avant pour voir plus vite.