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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/80

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LA LUXURE DE GRENADE

la recouvrant d’un morceau de viande d’agneau cru, car la plaie était considérée par les médecins comme une force vivante qui a besoin de recevoir un aliment pour qu’elle ne se nourrisse pas de la chair saine du corps. Ce mal était devenu chez lui une sorte d’idée fixe, dont la souffrance était surtout morale, et il montrait sa plaie, sans la moindre pudeur, à tous ceux qu’il rencontrait, dans l’espoir de recevoir un conseil utile pour sa guérison.

Mais le cri étouffé que poussa Khadidja n’était pas causé par le dégoût que lui inspirait la vue d’un morceau d’agneau sanguinolent et d’une plaie béante, sur une cuisse d’homme, parmi l’effeuillement de pétales de roses, couleur de la blessure violette et couleur de la chair rosâtre. Elle considéra quelques secondes l’homme inconnu qui se tenait auprès d’Abul Hacen et se penchait sur lui avec un sourire railleur. Elle porta ses mains à sa poitrine comme pour empêcher son âme suave de sortir d’une forme à laquelle elle était à peine attachée et elle dit :

— Almazan ! Le médecin de Séville ! Que le Prophète veille sur moi !

Et elle tomba tout de son long sur les dalles de la terrasse, mais légèrement, comme si des ailes invisibles avaient atténué sa chute.

Quelques jours après, chacun savait dans l’Alhambra qu’il y avait un secret qui occupait la vie de Khadidja.