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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/97

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LA LUXURE DE GRENADE

Al Birouni levait les mains, tentant de rassurer tout le monde. Il alla jusqu’à la roue qu’Almazan avait remarquée et il la fit tourner. Alors presque en même temps un cri sinistre retentit, un cri exprimant une épouvante démesurée, un cri si inattendu que le calme Al Birouni demeura immobile, les mains attachées à sa roue comme si elle faisait partie de lui-même.

Les philosophes, soudain dépouillés de leur sagesse par l’étrangeté terrible de ce cri, se ruèrent vers la porte. Ils s’y bousculèrent, ils refluèrent dans la cour intérieure de la maison, ils gagnèrent la rue, laissant, les uns leur turban, les autres leur bâton. Ils disparurent en poussant de faibles cris, comme une volée d’oiseaux timides.

Al Birouni avait essayé vainement d’arrêter cette panique imprévue. Il fit signe à ceux qui étaient demeurés, de le suivre dans la pièce voisine pour se rendre compte, de ce qui était arrivé. Rosenkreutz et Almazan s’avancèrent les premiers. Mais ils s’arrêtèrent, cloués par la surprise.

Ils avaient devant eux une salle immense dont on ne distinguait pas le plafond. Tout près de la porte, contre la muraille était un homme accroupi qui râlait de peur, les mains au-dessus de sa tête, comme pour se protéger. Un nègre nu s’avançait vers lui d’un pas large et mesuré et quand il allait l’atteindre il pirouettait, faisait douze graves enjambées en sens contraire et recommençait. Un éléphant, avec un rythme régulier, balayait l’air de sa trompe, pendant que son cornac, sur le même rythme se penchait et le piquait au flanc. Deux personnages silencieux,