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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/98

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LA LUXURE DE GRENADE

un Chinois et un Persan, faisaient le geste de jouer aux échecs sur une petite table de nacre. Au-dessus d’eux, un chat-huant auquel Al Birouni avait donné la ressemblance de son propre visage, déployait ses ailes, traçait une ellipse dans l’air, en faisant le bruit d’une bobine de métal qui se déroule et revenait sur son perchoir, pour repartir, après le même déploiement d’ailes. Un serpent tordait des anneaux verdâtres, un pélican claquait du bec, une pieuvre étendait ses tentacules. Au fond, couleur d’une cire laiteuse à laquelle la clarté de la lune donnait l’apparence de la chair, une jeune fille nue se soulevait parmi des coussins, agitait un éventail de plumes, se cachait pudiquement le visage et se laissait retomber avec un mouvement des jambes, voluptueux comme une invitation au plaisir.

Le silence, que troublaient seulement les grincements des ressorts et le crissement des roues invisibles, ajoutait encore au caractère fantomatique de cette assemblée d’automates.

— Ce n’est, je crois, qu’un voleur malchanceux, dit Al Birouni en faisant semblant de ne pas s’apercevoir de l’admiration de ses compagnons et en se penchant sur l’homme qui grelottait de peur.

— Ou, peut-être, est-ce un curieux qui a entendu parler de ces merveilles et qui a voulu les contempler, dit Tawaz.

Le serviteur d’Al Birouni avait redressé l’homme terrifié et il le secouait rudement. Son maître lui fit signe de l’entraîner.

On tenta de l’interroger. Mais il demeurait, hébété, les yeux fixes. Il balbutiait des phrases incohérentes.