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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/99

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LA LUXURE DE GRENADE

— Il nous a appris, dit encore Tawaz, que s’il ne faut pas demander de la philosophie à des guerriers, il ne faut pas demander du courage à des philosophes.

Il était impossible de tirer quoi que ce soit de l’inconnu. Un esclave noir s’était avancé et s’apprêtait à le fustiger avec un grand fouet de cuir. Rosenkreutz s’y opposa.

Al Birouni, lassé, donna l’ordre qu’on le jetât dehors.

La porte de la rue claqua derrière lui et on perçut son pas rapide qui fuyait. Alors seulement il sembla à Almazan que le visage de cet homme ne lui était pas complètement inconnu.

Tawaz s’apprêtait à partir. Il défroissa sa gandourah de soie orange, tira de sa poche une boîte recouverte d’émeraudes et répandit sur sa barbe un léger nuage de poudre d’or.

— Il y a des joueuses de luth chez moi, dit-il. Venez-vous les entendre ?

Les yeux de Christian Rosenkreutz avaient perdu leur lumière. Il baissait la tête. Il semblait très las. Il se pencha sur l’épaule d’Almazan et il lui dit à voix basse :

— Quel mélancolique spectacle de voir, après une réunion de sages, une réunion de mannequins !

La cour était pleine d’esclaves, levant des flambeaux. Avant de fermer la porte de la rotonde, Al Birouni en avait fait le tour. Almazan, de loin, vit qu’il se penchait sur la jeune fille nue et qu’il baisait délicatement son front, peut-être ses lèvres…