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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/102

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principes sociologiques. Or, comme la religion et la morale ne reposent que dans une mesure très limitée sur l’intérêt pour la science et pour l’histoire du passé, on peut dire que le mythe suppose une attitude mentale tout à fait différente.

Les rapports étroits existant entre la religion et le mythe ont échappé à beaucoup de savants, mais ont été entrevus par d’autres. Des psychologues comme Wundt, des sociologues comme Durkheim et MM. Hubert et Mauss, des anthropologistes, comme Crawley, des savants familiarisés avec l’antiquité classique, comme Miss Jane Harrison, n’ont pas manqué de saisir les liens intimes qui existent entre le mythe et la religion, entre la tradition sacrée et les normes de l’organisation sociale. Tous ces savants ont subi, dans une mesure plus ou moins grande, l’influence des travaux de M. James Frazer. Bien que le grand anthropologiste anglais et la plupart de ses partisans aient eu une claire vision de l’importance sociologique et rituelle du mythe, je n’hésite pas à soumettre aux lecteurs un certain nombre de faits qui nous permettront d’élucider et de formuler d’une façon plus précise les principes fondamentaux d’une théorie sociologique du mythe.

Il me serait facile de donner une extension beaucoup plus grande à cette revue des opinions, des divergences et des controverses qui règnent dans la science de la mythologie. Celle-ci constitue, en effet, le point de rencontre d’un grand nombre de disciplines spécialisées. En premier lieu, c’est l’humaniste classique qui prétend décider par ses propres moyens si Zeus personnifie la lune ou le soleil ou s’il représente une personnalité authentiquement historique ; si son épouse aux yeux bovins personnifie l’étoile du matin ou symbolise la vache ou le vent : la prolixité qui règne dans ce domaine est proverbiale. Ces questions sont ensuite ramenées sur la scène de la mythologie, pour subir une nouvelle discussion de la part de diverses tribus d’archéologues : chaldéenne et égyptienne, indienne et chinoise, péruvienne et autres. Croient également devoir intervenir dans la discussion l’historien et le sociologue, l’historien de la littérature, le philologue, le germaniste et le romaniste, le spécialiste des antiquités celtes et celui des antiquités slaves, chacune de ces branches étant représentée par une petite poignée de savants n’ayant foi qu’en leurs propres arguments. Mais la mythologie n’est pas à