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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/111

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et, plus encore, grâce aux intérêts complexes qu’elles éveillent chez eux, le conteur les récitant avec orgueil ou regret, les auditeurs les écoutant avec une attention soutenue et impatiente et se sentant emportés par des espoirs et des ambitions. C’est ainsi que, si l’on veut dégager l’essence d’une histoire (et ceci est encore plus vrai d’une légende que d’un conte de fées), on ne doit pas se contenter d’une simple lecture, mais on se livrera à une étude combinée aussi bien de l’histoire que de son contexte, fourni par la vie sociale et culturelle des indigènes.

Mais c’est seulement à la suite d’une étude du troisième groupe (qui est en même temps le plus important) de contes, formé par les contes sacrés ou mythes, et de sa comparaison avec les légendes, que la nature de toutes ces productions du folk-lore mélanésien apparaît avec tout le relief possible. Les indigènes appellent les contes faisant partie de ce troisième groupe liliu, et je tiens à faire remarquer que je me borne à reproduire telles quelles la classification et la nomenclature employées par les indigènes eux-mêmes, avec quelques brefs commentaires concernant leur exactitude. Ce troisième groupe d’histoires diffère notablement des deux autres. Si celles du premier groupe sont racontées pour l’amusement de l’assistance et si celles du second ont un caractère plus sérieux et visent à satisfaire certaines ambitions sociales, celles du troisième sont considérées non seulement comme vraies, mais comme vénérables et sacrées et jouent, au point de vue culturel, un rôle fort important. Le conte populaire est, nous le savons déjà, une distraction saisonnière et un moyen d’entretenir la sociabilité. La légende, née du contact avec des réalités inaccoutumées, ouvre des perspectives sur le passé historique. Quant au mythe, il intervient lorsqu’un rite, une cérémonie ou une règle sociale ou morale demandent une justification, une garantie d’antiquité, de réalité, de sainteté.

Nous examinerons dans les chapitres suivants de cet Essai un certain nombre de mythes. Nous le ferons d’une façon détaillée, mais en attendant jetons un rapide coup d’œil sur les sujets de quelques mythes typiques. Prenons, par exemple, la fête annuelle du retour des morts. On prend, en prévision de cette fête, des dispositions compliquées et on se livre principalement à un