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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/112

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énorme étalage de nourriture. À mesure qu’on approche de la fête, on commence à raconter des contes dans lesquels la mort est représentée comme un châtiment envoyé aux hommes et qui parlent de la manière dont ceux-ci ont perdu la faculté de rajeunissement perpétuel. On y raconte pourquoi les esprits doivent quitter le village, au lieu de rester auprès du feu et pourquoi ils reviennent une fois par an. En outre, pendant certaines saisons qui comportent des préparatifs en vue d’expéditions d’outre-mer, on répare les vieux canoés et on en construit de nouveaux, avec accompagnement de certains procédés magiques. Les incantations qui accompagnent la mise en pratique de ces procédés contiennent des allusions mythologiques, et les actes sacrés eux-mêmes impliquent certains éléments qui ne deviennent compréhensibles qu’après qu’on a entendu raconter l’histoire du canoé volant, décrire son rituel et sa magie. En ce qui concerne les échanges commerciaux cérémoniels, les règles qui y président, la magie qu’ils comportent et même les routes géographiques le long desquelles ils s’effectuent font l’objet d’une mythologie appropriée. Il n’existe pas de magie importante, de cérémonie, de rituel qui ne soient accompagnés d’une croyance ; et celle-ci se trouve explicitée dans des récits ayant pour base des antécédents concrets. L’association entre la croyance et ces antécédents est très étroite, le mythe étant considéré non seulement comme un commentaire de certaines données introduites du dehors, mais comme une garantie de ces données, comme une charte, souvent même comme un guide pratique des activités auxquelles il se rattache. D’autre part, les rites, les cérémonies, les coutumes et l’organisation sociale contiennent souvent des références directes au mythe et sont considérés comme des effets d’événements mythiques. Le fait culturel est un monument dans lequel le mythe se trouve incorporé ; et, d’autre part, on voit dans le mythe la véritable cause, la cause réelle des normes morales, du groupement social, des rites et des coutumes. C’est ainsi que les histoires dont nous nous occupons ici sont partie intégrante de la culture. Non seulement leur existence et leur influence sont indépendantes de l’acte même de leur récitation, non seulement elles tirent leur substance de la vie et des intérêts dont elle se compose,