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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/124

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clan du même nom et se prétendant parent de l’autre, règne sur deux grandes et puissantes communautés du Sud : Sinaketa et Vakuta.

Le second fait important à mentionner à propos de ces villages et de leurs souverains, est que le clan souverain ne prétend pas avoir émergé localement dans l’une quelconque de ces communautés dans lesquelles ses membres possèdent en propriété des terres, exercent la magie locale et les prérogatives du pouvoir. Ils prétendent tous avoir émergé, accompagnés du porc ancestral, du creux historique d’Obukula, qui se trouve sur la rive nord-ouest de l’île, proche du village de Laba’i. C’est à partir de ce point que, selon la tradition, ils se seraient répandus à travers tout le district[1].

On trouve dans les traditions de ce clan certains faits historiques qu’il importe de bien démêler : la fondation du village Olivilevi trois « règnes » auparavant, l’établissement des Tabalu à Tukwa’ukwa cinq « règnes » auparavant, la mainmise sur Vakuta quelque sept ou huit « règnes » auparavant. Par « règne » il faut entendre la durée pendant laquelle un chef donné exerce le pouvoir. Comme aux îles Trobriand (et il en est sans doute dans la plupart des tribus soumises au régime de la lignée maternelle) l’homme a pour successeur son plus jeune frère, la durée moyenne d’un « règne » est nécessairement plus brève que celle d’une génération ; aussi un « règne » n’est-il pas une mesure de temps aussi précise qu’une « génération », d’autant que dans beaucoup de cas il n’y a guère de raisons pour qu’il soit plus court. Ces récits historiques particuliers, qui exposent en détail comment, quand et par qui l’établissement s’est effectué, forment de sobres recueils de faits. Et il est possible d’obtenir, d’informateurs indépendants les uns des autres, des récits détaillés sur la manière dont, au temps de leurs pères ou grands-pères respectifs, le chef Bugwabwaga, d’Omarakana, a été obligé, après une guerre malheureuse, de s’enfuir avec toute sa communauté loin dans le Sud, où il a édifié un village provisoire. Après un couple d’années, il revint pour accomplir la cérémonie de la paix et reconstruire Omara-

  1. Les lecteurs désireux d’avoir une image concrète de ces détails géographiques et historiques feront bien de consulter la carte de la page 51 de notre ouvrage : Argonauts of the Western Pacific.